Publiée le par Yaël Pasgrimaud

Bonjour à tous,
On entend souvent parler d’athlètes qui dans le cadre de leurs entraînements partent plusieurs semaines en stages en altitude dans des lieux iconiques tels Iten ou Font-Romeu. Mais quels sont réellement les bénéfices de cette pratique ? C’est le sujet de l’article du jour, dans lequel nous allons tenter de répondre à la question suivante :
Comment tirer le maximum de bénéfices de son stage d’entraînement ?
Pour que ce stage se déroule dans les meilleures conditions, nous allons voir les principes à respecter au regard de la science. Pour commencer, nous allons aborder la nature de ce stage. Faut-il s’entraîner en altitude ou sous la chaleur ? Nous allons donc présenter quelques bénéfices pour chacune de ces méthodes.
Premièrement, l’entraînement en altitude comporte de nombreux avantages pour les capacités aérobies. Il a pour conséquence d’augmenter le volume des globules rouges ainsi que la concentration d’hémoglobine, facilitant ainsi le transport d’oxygène (Muraoka & Gando, 2012). Il y a un effet direct de l’entraînement en altitude, de l’ordre de 1,6 ± 2,7% d’amélioration, sur la performance en endurance (Bonetti & Hopkins, 2009). De son côté, l’entraînement sous la chaleur permet une augmentation du volume plasmatique, associé à une diminution de la contrainte thermique, au niveau cardiovasculaire et perceptif (Périard et al., 2021). En clair, moindre dérive cardiaque et perception de la chaleur moins importante. Il y a donc un effet direct sur la performance lorsqu’il fait chaud. En revanche, les résultats sont plus inconstants lorsque la compétition se déroule en climat tempéré. Certaines études retrouvent des effets positifs de l’entraînement sous la chaleur pour les performances en endurance (e.g. Minson & Cotter, 2015) tandis que d’autres ne parviennent pas à obtenir de différences significatives par rapport à l’entraînement sous climat tempéré (e.g. Nybo & Lundby, 2015).
Selon ces résultats, nous pourrions partir du principe qu’il serait judicieux de sélectionner un lieu combinant altitude et chaleur. Mais est-ce le plus pertinent ? C’est le sujet traité par l’étude de McCleave et al. (2017), qui ont cherché à mesurer les bénéfices concomitants à l’entraînement en altitude et sous chaleur par rapport à l’entraînement sous chaleur seule, durant 3 semaines de stage. Pour ce faire, ils ont assigné 26 coureurs à trois conditions : (1) entraînement sous chaleur (33°C); (2) entraînement en altitude et sous chaleur; (3) entraînement sous climat tempéré. Trois semaines à l'issue du stage, ils ont ensuite mesuré leur performance chronométrique sur 3km. Plusieurs résultats sont à souligner. Tout d’abord, comme pour les précédentes études, la condition (1) permet d’améliorer significativement la performance sur 3 km des participants. Tandis que les conditions (2) et (3) ne présentent pas de différences significatives. Cela suggère qu’il faudrait davantage se concentrer sur l’une des deux méthodes (i.e. altitude ou chaleur), plutôt que de combiner les deux. Ces résultats sont corroborés par l’étude de Girard et al. (2024), pour laquelle l’entraînement combiné présente un impact faible, voire même néfaste si la charge n’est pas suffisamment contrôlée. Ainsi, combiner deux facteurs de stress supplémentaires pourrait générer trop de fatigue et serait alors délétère pour performer.
Si vous optez pour l’entraînement sous la chaleur, voici quelques recommandations afin d’organiser et réussir son stage :
- Prévoir 2 semaines de stage est suffisant pour avoir les effets recherchés (i.e. meilleure adaptation à la chaleur). Par exemple, l’étude de Racinais et al. (2015) montre qu’après deux semaines d’entraînement sous la chaleur, des cyclistes ont pu réaliser la même performance chronométrique en condition de chaleur qu’en condition tempérée. Cependant, afin d’améliorer ses paramètres ventilatoires, 3 à 5 semaines sont requises (Nybo et al., 2024).
- Il est important de contrôler l’intensité de l’exercice et celle-ci doit être modérément difficile (Nybo et al., 2024).
- En contexte d'entraînement sous la chaleur, boire à la soif peut conduire à un déficit en eau jusqu'à 2-3% du poids de corps (Cheuvront & Haymes, 2001). Il est primordial d’adopter une stratégie de réhydratation adaptée. Pour ce faire, il est recommandé, avant la compétition et l’entraînement, de boire 6mL de liquide par kg de poids de corps, toutes les 2-3 heures (Racinais et al., 2015). Les boissons peuvent intégrer du sodium, de l’ordre de 0,5-0,7 g/L lorsque l’effort dépasse une heure (Stand, 2009), des glucides, de l’ordre de 30-60 g/h lorsque l’effort dépasse une heure (Von Duvillard et al., 2004), et enfin des protéines, de l’ordre de 0,2-0,4 g/kg/h (Beelen et al., 2010).
- Il est pertinent d’intégrer des stratégies de refroidissement entre les efforts. Il est plus efficace de combiner refroidissement externe et interne (Racinais et al., 2015). Ces méthodes peuvent inclure l’immersion en eau froide, vêtements froids ou bien l’ingestion de glace pilée ou boissons froides.
Si vous optez pour l’entraînement en altitude, il vous faudra faire le choix parmi trois modalités. En effet, trois modèles régissent l’entraînement en altitude : Le “Live high-train high” (LHTH); ou le “Live high-train low” (LHTL); ou enfin le “Live low-train high” (LLTH). Le LHTH est un “protocole selon lequel les athlètes séjournent et s'entraînent à une altitude modérée (Muraoka & Gando, 2012, p.447). Le LHTL est quant à lui un protocole “selon lequel les athlètes séjournent à une altitude modérée et s'entraînent au niveau de la mer ou à une altitude faible” (Muraoka & Gando, 2012, p.447). Pour finir, le LLTH est un protocole “selon lequel les athlètes séjournent au niveau de la mer et s'entraînent en hypoxie (à une altitude modérée)” (Muraoka & Gando, 2012, p.447).
Selon la littérature, deux protocoles semblent être les plus viables. Il s’agit du traditionnel LHTH et du plus récent LHTL. Cependant, bien que plus difficile logistiquement parlant, le plus efficace des deux est le LHTL (Muraoka & Gando, 2012). Par exemple, nous pouvons citer trois études ayant recours au protocole LHTL et ayant obtenu une amélioration significative sur : (1) la performance sur 3 km (Chapman et al., 2014); (2) la performance sur 5km (Wehrlin et al., 2006); (3) la consommation maximale d’oxygène ainsi que la puissance maximale aérobie (Brugniaux et al., 2006).
Pour poursuivre nous allons essayer de structurer la planification de ce stage. C’est-à-dire quoi faire, quand et comment ? Pour commencer, quelle serait l’altitude idéale afin de planifier son stage ? Existe-t-il une plage d’altitude optimale afin de tirer le maximum de bénéfices et le minimum de contraintes ? C’est sur cette question que s’est penchée l’étude de Chapman et al. (2014). Pour ce faire, les auteurs ont standardisé l’entraînement et ont cherché à évaluer les réponses chez des athlètes à diverses altitudes. Ils ont alors observé que les athlètes résidant à 2085 et 2454 m d’altitude présentent une amélioration significative de la consommation maximale d’oxygène ainsi que de la performance sur 3km au niveau de la mer. Tandis que ceux résidants à 2800m et 1780m n’obtiennent pas de différence significative à l’issue de leur stage en altitude. De plus, résider à une altitude supérieure à 3000 m est plus à même de perturber le sommeil (Roach et al., 2013). Une altitude suffisante serait donc située entre 1800m et 2500m (Saunders et al., 2009).
Ensuite, nous allons chercher à déterminer quelle serait la durée idéale du stage. Afin d’obtenir de réels bénéfices, il est recommandé de passer au moins 2 semaines en altitude (Saunders et al., 2009), voire même trois (Nybo et al., 2024). Par exemple, un protocole de 18 jours (Brugniaux et al., 2006) et un autre de 24 jours (Wehrlin et al., 2006) ont respectivement obtenu des effets positifs sur la performance en endurance.
Nous allons ensuite aborder l’acclimatation. Quelle serait sa durée et comment s’y prendre ? La phase d’acclimatation s’effectue au début du stage et sert à habituer le corps à la chute de la pression atmosphérique liée à l’altitude. Effectivement, la fréquence cardiaque ainsi que les paramètres ventilatoires sont plus élevés en altitude (Girard et al., 2023). Il semble donc primordial d’être vigilant quant à la charge d’entraînement. Quelques recommandations afin de maîtriser cette charge d’entraînement seraient d’accroître le ratio exercice/récupération (Girard et al., 2023) ou bien travailler avec la perception d’effort plutôt que les allures (Li et al., 2020). L’acclimatation est surtout nécessaire pour un stage en LHTH. Une recommandation générale serait d’intégrer 1 semaine d’acclimatation, dans laquelle on conserverait l’intensité de l’entraînement, tout en retranchant 25% du volume habituel par rapport aux semaines d’entraînement au niveau de la mer (Girard et al., 2023). Une étude, ayant recours à un protocole LHTH, présente malgré tout une amélioration des records personnels des participants sur 1500m/mile à l'issue du stage, avec seulement 4 jours d’acclimatation (i.e. Sharma et al., 2018). Attention, le public étant des athlètes élites.
Quel serait ensuite le timing à adopter pour performer après son retour de stage ? A ma connaissance, il n’y a pas de consensus concernant le retour idéal à la compétition. Celui-ci serait trop dépendant aux différences inter-individuelles. En effet, Sharma et al. (2019) ont mesuré les performances d’athlètes jusqu’à 11 semaines après leur retour de stage en altitude. Les auteurs n’ont trouvé aucune incidence de la semaine sur la performance en course à pied. Toutefois, l’étude de Chapman et al. (2014), en croisant données empiriques et terrain, suggère qu’il existerait deux fenêtres optimales à la performance après son retour de stage : (1) les premiers jours juste après le retour de stage; (2) >3 semaines après le stage. En outre, il faudrait éviter de planifier sa compétition la 2ème semaine après son retour de stage, semaine dans laquelle une baisse des performances est souvent déclarée (Millet et al., 2010).
En résumé, il vaut mieux opter individuellement pour l’entraînement en altitude ou l’entraînement sous la chaleur. Pensez à appliquer les quelques conseils listés plus haut afin d’optimiser le déroulement de votre stage sportif. Le choix d’une méthode par rapport à une autre dépendra donc des objectifs poursuivis, du coût du stage ainsi que de la proximité géographique de certaines infrastructures. A notre échelle, d’autant plus en tant qu’athlètes, il est important de maîtriser notre empreinte écologique. Voilà tout pour cet article. J’espère qu’il vous plaira. Comme pour les précédents articles de la rubrique, n’hésitez pas à émettre des suggestions ou poser des questions.
Bibliographie :
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